Grand Raid Dentelles Ventoux 2007 - le compte rendu

Publié le par yoyo

4 ans, boudiou, 4 ans déjà que je n’avais pas remis les pieds dans ce charmant village. Le PUF (Paysage Ultratrail Français) a bien changé depuis, et pourtant, c’était hier. Ca sent un peu le pèlerinage finalement ce retour aux sources. C’est ici que j’ai rencontré mes vrais premiers UFOs en chair et en os (François et Rémi), que je me suis attaqué à mon premier Ultra-trail, que j’ai fait ma première course avec frontale …..Il y a 4 ans, j’étais à la place d’Olivier (Néo), pile poil, stressé, inquiet, pas du tout sur de mon coup, sûr de rien d’ailleurs, comme à chaque première fois. En 2003, cette course aux saucissons (avec des bouteilles de vins en guise de saucissons), c’était déjà de l’Ultra-confidentialité dans un calendrier d’ultra-trail dépouillé. On discutait d’une course qui allait se dérouler fin août du coté de Chamonix, les inscriptions ne faisaient pas le plein pour cette future première édition quelques peu intrigante. Le PUF a bien changé. Aujourd’hui, c’est 2 ultra-trails qui se percutent à 100 km (un signe ?) de distance. Au Nord (plus frais ?) dans la Drome ou ici en Vaucluse, le programme est similaire.

Depuis plusieurs mois, avant même de connaître les nouveautés du calendrier 2007, je voulais revenir ici. Le but : mesurer mes progrès après les 18h53 de 2003. J’en ferais de même fin octobre du coté des Templiers, mon premier trail en 2001. Finalement, nous serons 141 au départ, joli peloton dans ce calendrier prolifique où il est rare d’envisager d’enchaîner toutes ces épreuves qui nous font envie. Ce n’est pas moins d’une dizaine d’Ultra-trail qui se bousculent entre mai et juin et forcément, le peloton se répartit sur ces épreuves.

Du coté du bonhomme (moi), y a au moins un signe qui ne trompe pas. Après avoir traîner une immonde tignasse pendant quelques semaines, je passe chez le coiffeur. Ils sont bizarres ces coureurs !!!. En fait, j’en connais certains qui lavent leur voiture avant un grand rendez vous, moi, c’est le coiffeur. Quelques grammes de moins mais surtout comme un sentiment de liberté qui s’installe. Non ne cherchez pas à comprendre …..c’est juste un signe chez moi qu’un grand rendez-vous sportif s’annonce. Coté forme et ambition, j’ai pas mal expérimenté ces dernières semaines et finalement, j’ai juste envie d’être à mon niveau du moment, de ne rien gâcher. J’ai 3 kilos en trop que j’ai méticuleusement entretenu à coup de Smartys et plaques de chocolat dans la semaine, j’ai fait une nuit très light le jeudi soir, Enzo est malade et encore plus light le vendredi soir, levé à 2h mais, j’y suis habitué …depuis presque 3 ans. Après quelques OFFs, un Trail de la Sainte Victoire expérimental et un Trail des Balcons d’Azur en meneur d’allure, je veux juste aller à mon rythme. Je sens que le printemps est là et que, petit à petit, la forme arrive avec les beaux jours. Je sais aussi, que sur cette course, les champions du peloton ne seront pas là et que, si tout va bien, je pourrais peut être espérer rentrer devant, dans les 10 ce serait génial, j’ai jamais fait (11ème du Roc de Chartreuse en 2006). Le vainqueur du jour, je le connais à l’avance parce que finalement, il y a bien, sans faire injure au 140 autres, un caïd au départ. Sans surprise, Serge Barthes nous collera à tous au moins 2 heures (jardinage compris). Je prends quand même le soin de glisser à Sandra « Y a la remise des prix le dimanche à 10h, peut être qu’on ira pique-niquer là bas hein …. ». Voilà pour l’état d’esprit : après les 6 erreurs de la Sainte Victoire, j’aimerais jouer juste, sans aucune erreur.

La tenue du jour ne change pas d’un millimètre depuis presque 2 ans. Heureusement que les dossards permettent de différencier les photos sinon, on dirait que je fais toujours la même course. La grosse nouveauté, éternel testeur (ça va bien s’arrêter un jour), c’est la gestion du liquide. 2 bidons comme d’hab mais, un pour l’eau, l’autre pour l’isostar. L’isostar justement, je le doserais avec des pastilles glissées dans une poche zippée bien pensée de mon collant, pile sur la fesse. Si je tombe, j’aurais de la poudre :o). Coté stratégie, rien de précis. J’espère une course linéaire et j’ai rapidement regardé que ça pourrait donné un 6h en haut du Ventoux (km 42) et un 8h à Brantes (Km 58). Par contre, précieux allié, je vais partir avec mon GPS en mode « partenaire virtuel qui lui court en 14h ». Ainsi, je saurais où j’en suis plutôt que de faire de « savants » calculs à la volée.

Naturellement, évidemment, les zufos présents qui se connaissent se rassemblent au départ. L’air est déjà chaud et les manchettes de cyclistes s’apprêtent à faire le Grand Raid du Ventoux accrochées au sac à dos. Comme une évidence, je vais courir avec Stéphane. On se connaît de la Fortiche d’abord, puis de quelques OFF ou ON par ci par là et surtout, une grande complicité s’est créé du coté de la Maurienne l’été dernier et depuis, les échanges fusent entre les membres de cette tribu dans la tribu, les « forticheurs ». Logique en somme pour des gens qui pratiquent le même sport mais encore plus dans sa version ultra-montagnarde.

On part. Le café du commerce s’installe. On ne s’est pas vu depuis ….3 semaines. Ce monde pourrait être OFF finalement, comme cette course d’ailleurs, si un dossard ne traînait pas sur la ventrale de mon sac. Je suis plutôt le donneur de rythme en montée, sans un mot, comme une évidence. J’impose les séquences de marche et de relance et Stéphane, plus véloce, s’éloigne irrémédiablement dans les descentes. Un salut à Phil et on franchit le premier (qui sera aussi le dernier) col, le Col du Cayron, gentillé. C’est parti pour 6 Km de descente, sur larges chemins, sur petites routes bucoliques, pente douce ….ici, le bonheur est même sur la route , et oui, c’est possible ! Qu’il est bien ce départ en douceur, sans précipitation, sans bouchon ni bousculade. Ca me fait penser à une étape de Montagne des cyclistes de juillet. On sait tous que la course commencera sur les pentes du Géant et bien après dans la chaleur du Toulourenc. On a le temps et on le prend. Mais au fait, y a-t-il vraiment une course ? Combien de coureurs vont se préoccuper de leur classement à l’arrivée ? 10, 20 ….la plupart sont là pour finir, c’est évident et finir ce genre de ballade, c’est sûrement être vainqueur, pour beaucoup.

Premier hameau, ça remonte légèrement. Steph a filé ; Pas de soucis. Nos niveaux sont très proches et je sais que sans soucis, on devrait être en parfaite osmose jusqu’au pied du Géant. Je marche. Le petit groupe où j’étais continue au petit trot, derrière, on me remonte. A la relance, je suis efficace, plus véloce que les coureurs qui m’ont doublé ou qui s’éloignent. Je reviens sans effort sur eux. J’ai marché 50 mètres, pas eux. Un autre coucou à un autre UFO qui traîne par là, Manu et je retrouve Stephane. Blablabla, marche, course, les écarts sont importants et l’on sent bien que la course risque d’être solitaire pour beaucoup.

Coté balisage, déjà quelques alertes. Rien de grave, juste des positionnements de rubalises quelque peu déroutants. La vigilance sera de mise toute la journée mais malgré ça, qui n’a pas fait sa séance de jardinage ? pas moi, pas steph. Premier mono-trace, charmant et il est temps de s’offrir ce petit plaisir. On accélère, relance, tourne, vire ….le pied. Puis c’est séance d’escalier, traversée de route et re monotrace à la montée cette fois ci. J’alterne course et marche ; la pente n’est pas très raide. Devant, ça court non stop. Derrière, je sens que Steph est circonspect. « Tu marches ou tu cours ? » « Ben, les deux, au feeling, comme je sens ». Ben ouais, c’est mon rythme « biologique » qui me guide et, comme pleins de coureurs plus tard, Steph ne va pas trop aimé ce rythme saccadé sur une portion régulière. Oui, mais la pente n’est pas très raide alors, si on court tout le temps, on se fatigue, si on marche non-stop, on traîne. J’alterne. A ce petit jeu, on bascule au sommet avec les coureurs « non stop » qui nous précédaient.

Le Lac du Paty est devant nous. Premier ravito, Km 18 en un peu plus de 2h. On dirait qu’on est parti depuis 10 minutes. Le jour s’est levé. Le raidard qui va suivre est le vrai premier de la journée. Bien raide, il permet de rejoindre le col de la Madelaine qui sépare Bédoin de Malaucène. Pause technique et je rejoins Stéphane. Y a plus de monde par ici, des coureurs en relais, des coureurs du 58 km partis 15 minutes après nous. Nous allons attaquer une des parties les plus techniques du jour. De bloc en bloc, Stéphane m’avoue ça légère surchauffe et son enthousiasme devant un tel spectacle. Le Géant est devant nous, tout là bas, il nous attend. Steph n’est pas mal, loin de là mais le rythme que je donne à la montée est un peu rapide. Après tout, il fait de même à la descente. Rien de grave, nous ferons le point en bas du Géant. Et puis finalement, si je le distance dans la montée de 1500 m+, ce sera ça de pris. Je pense qu’il me faudra bien 10’ d’avant en haut pour pouvoir descendre à mon rythme et le voir revenir. Mais bon, on n’y est pas. Première belle descente technique. Stéphane trépigne, passe et s’envole. Wouais, 10’ au moins en haut ( :o).

On est au pied et il va s’agir de jouer à saute-mouton le long des combes, en bordure de vignes pour attraper le ravito et le début de l’ascension. 5 Km à la poursuite de Stéphane qui s’est rudement bien remis. Du coup, c’est lui qui donne le rythme et c’est moi qui prends un coup de moins bien. Pas d’affolement. A coup de relance, ça ne m’empêche pas de le tenir à vue et de reprendre et distancer quelques coureurs. La forme le Steph !.

2ème ravito – 3 heures et quelques de course, Km 27 environ. On m’annonce 26ème. Mes pastilles de boisson énergétique font merveilles sur ces ravitos 100 % eau pure. J’aime bien ces petits gestes précis. En 20 secondes, j’ai deux bidons pleins dont un d’isostar, les mains libres pour me gaver du solide proposé et repartir. On retrouve Jérôme et on repart en petit groupe. Là aussi ,la vie sans bâtons est synonyme de liberté.

Au programme, une ascension du Ventoux originale. Habitué des montées linéaires, je vais apprécier que très moyennement cette ascension en trois morceaux. Mais bon, y a pas la choix. Ca commence par une rivière asséchée, roulant comme une piste de canyonning sans eau, puis dans des gorges profondes et fraîches. Rapidement, je me mets en mode course. Stéphane est surpris mais me suit. Encore une fois, la pente est faible et la course n’est pas moins pénible que la marche sur ces sols instables. L’avantage, c’est que ça va bien plus vite et que les passages « galères » durent deux fois moins longtemps. Stéphane se rappelle d’un coup qu’il était en forme avant le ravito, il me passe et assure toute cette partie technique devant. Même les relances lui viennent par goût. On distance et remonte quelques coureurs. Ca ne m’étonne pas. Perso, c’est mon point fort la montée. D’un coup, on voit remonter un gars. Il nous dépose comme deux bouses. « Je croyais qu’on montait plutôt bien » me sort Stéphane. Mort de rire. Je le croyais aussi. Mais à propos de bouses, c’est à la fin qu’on les compte non ? alors …..on verra à l’arrivée.

Tient, j’en ai pas causé depuis le départ mais, c’est bien sans bâtons que j’ai fait cette ballade. Sans regret jusqu’alors, parcours « facile » ou trop technique, je vais quand même pensé très fort à eux dans les kilomètres qui suivent. Je crois même que je les ai appelé à un moment :o). Sinon, j’ai fait sans, les ai oublié et même si au plus dur de la pente, régulière de la combe Fiole je les aurais apprécié, ils n’étaient pas nécessaire à mon sens. Mais, de la à ne pas les prendre fin août ? la régularité des grands cols de l’UTMB me semble très propice à ce joujou.

Donc, première partie techni-trail passée, on débouche sur un petit ravito. Les ruines de la bergerie sont idylliques pour une sieste dans l’herbe grasse qui l’entoure mais on n’est pas là pour ça, le Géant nous attend. On rejoint un coureur à ce ravito. On la joue express et on s’attaque au « chemin du facteur «  (où pour l’anecdote Dawa passe en courant lui ..c’était au trail du ventoux 2004). Notre efficacité diabolique dans toutes les parties « faciles » du parcours nous permet de distancer ce coureur. Ravito express, relance sur les 3 centimétres de plat, Steph qui fuse en descente …diabolique. Dans la pente infernale de ce passage, 30% au bas mot, le coureur revient, peu à peu, pas à pas. En haut, il est à 20 métres. Re-ravito, re-express, on ne le reverra plus. Diabolique !!!!

Petite route goudronnée pendant quelques centaines de métres. « Hop, c’est en bas ». « Merci Steph, j’avais pas vu. D’ailleurs, c’est dommage parce que si on continue cette route goudronnée, on sera vite en haut ! ». C’est partie pour 200 m de dénivelé négatif. Heureusement que la vie est belle, la forme honnête et la bonne humeur de la partie parce qu’il y a de quoi démoraliser un peloton qui, en regardant le profil du jour pouvait lire « ascension linéaire du Ventoux ». Bref, au jeu du « Pac-Man », on rejoint encore un coureur et enfin la combe Fiole est sous nos pieds. On nous annonce 15 et 16ème. Génial. On repart avec le 14ème et le 17ème Il s’éloigne, fier grimpeur qu’il est. D’un coup, je pars en courant. Dans ma tête, les barrières tombent, je revois Vincent Deleb’ dans une vidéo de l’UTMB en train de courir en haut du Grand Col Ferret. Je suis en train de désacraliser ces grands cols. Un replat, c’est un replat où qu’il soit. Steph n’ose pas, il marche. Je reprends sans peine le fier grimpeur. Quand la pente s’accentue, il est temps de le laisser filer, j’ai pas son niveau ni ses bâtons. Steph revient, à l’ouvrage. Je ne suis pas « flambe ». La sublime combe Fiole est son profil exponentiel est égale à elle-même. C’est ça mon Ventoux. D’un coup, on file à gauche. Les 400 m+ ne se feront pas tout droit dans le kilomètre restant pour rejoindre le col des Tempêtes sous le sommet mais en 2 kilomètres plus « touristiques ». On rejoint la route. D’un coup, c’est l’effervescence. Il y a des coureurs partout, certains en train de remonter par la route. J’ai les boules ! Rien contre eux bien puisque moi aussi j’aurais pu le rater mais énervé parce que c’était une évidence que ça devait arriver et que ça arrivera encore. J’estime à 30/45’ la ballade dans la Combe Fiole. Au sommet, nous pointeront 31 ème !!!!!

Mais on n’y est pas. Qu’il est beau ce final, sans vent, sous le soleil. Juste une fine brume nous gâche un poil le panorama. On voit au loin les coureurs qui s’égrainent sur le pierrier final. Eh, Steph, y a un replat (et pas qu’un photographe), on recourt. Ca repart. On rejoint Jérome sous le sommet et on arrive en haut en 6h20 pour 42 kilomètres. Comme neuf !

Ce sera la pause la plus longue. 5 bonnes minutes. Photo souvenir, ravito mais aussi pour essayer d’informer les pointeurs des erreurs de parcours. On repart. Nous sommes avec Jean Marc, virtuose de la descente. Pour m’être fait peur en 2003 dans une tentative d’aller au plus court dans ces épingles sommitales, je suis bien décidé à, sagement, me laisser glisser gentiment sur ce mono-trace. Mais voilà. D’entrée, ça part fort, Jean Marc devant. Stéphane suit, il shunte la première épingle, la deuxième. L’exercice est scabreux, limite correct si l’on en croit le balisage et même si la plupart des coureurs auront fait ça. J’en cause 2 mots à Steph d’autant que c’est zéro plaisir dans ces pentes à 40% où, une fois le pied au sol, on dévale encore de 5 mètres avant de pouvoir enchaîner. Bref …pas terrible.

Retour au calme. Mes deux compagnons de route tracent. Steph doit faire une pause Coca Sandwich plus bas. Comme depuis ce matin, je me retrouve seul en descente. Je m’efforce de maintenir un bon rythme, supérieur à celui que j’aurais eu sur une course « individuelle ».

Prés du Mont Serein, Stéphane est encore en vue, plus pour longtemps. On file à l’est, en sous bois pour une longue descente des plus roulantes sur monotrace avant de retrouver la piste forestière. Mon GPS m’indique les kilomètres restants à descendre et m’incite à la prudence. Je pense beaucoup à Guillaume sur ce passage, à ces presque 10 Km de moyenne et à sa folle vitesse descensionnelle que j’imagine sur ces sentiers très cleans.

Le rythme est bon, élevé pour moi. Je mettrais au final environ 1h30 pour les 15 km de descente.

J’y suis. La piste, longue, monotone. Pas loin de 7 Km à ce régime. Un coureur du relais me rejoint, on discute puis, il file. Stéphane est très loin. Je me dis à ce moment là qu’il a du filer, que je ne le reverrais probablement pas. Coté météo, c’est saisissant. On est passé sous les 1000 m, il est prés de 12h, le large chemin est plein soleil. Ca cogne dur. D’un coup, au loin, je vois la maillot orange de Steph. Quel fair-play, il m’attend. Je le rejoins. Cuit, il me dit être cuit. Bizarre quand même après un départ si virevoltant. En fait, c’est un montagnard qui manque d’air en descendant de ses montagnes. Il étouffe. On partage son coca et son sandwichs (oui, mais c’est lui qui les porte ….ça sert à ça les sherpas :o). On relance. Ca descend et Stéphane est derrière. Glups, ça va plus, pas normal sur ce terrain qui lui est favorable. Enfin la route. Les ruines de Brantes sont devant nous. Le raidard pour rejoindre le ravito ne sera pas commode. Un coureur nous passe. Jean Marc, compagnon du sommet du Ventoux est déjà loin. Passage du Toulourenc, la chaleur est accablante. Stéphane me dit de filer. On verra au ravito. Je grimpe proprement ce raidillon. Le coureur qui nous a passé en fin de descente n’est pas loin. D’un coup, je le vois trottiner dans un passage pavé des plus pentus. Epatant. Nous y sommes. Une pause s’impose.

Classique, festif, c’est la première fois que je vois des fraises au ravito. Je profite d’un petit muret pour sortir ma fiole d’huile d’Arnica. Ce sera le seul auto-massage de la course. Deux minutes. Stephane repart. Je le rejoins. Conscient de ses soucis, de la chaleur, il me demande de filer. OK, je porte le flambeau des forticheurs du jour. Une autre course commence. Je voulais arriver à Brantes frais, pas trop entamé, c’est fait. On y est passé en 8h pile. La course d’équipe à fait merveille et c’est sans aucune usure que je me lance dans ma course. Je connais bien le parcours pour l’avoir fait en 2003. 2003 c’est loin, mais, merci papa, merci maman, j’ai une mémoire visuelle d’éléphant. Je me souviens de tous les détails. J’ai aussi pris le soin de relire un vieux CR la semaine d’avant. Le col qui s’annonce est très surfait. Pas trop dur. Jean Marc est finalement pas trop loin, juste devant, il court. J’alterne course et marche, marche pour récupérer et relance efficace et, petit à petit, je remonte. A la route, à mi col, je suis avec lui. Devant, un coureur à 100 mètres. Tel un métronome, Jean Marc ne cède rien, toujours en courant. Je m’efforce de le suivre. La seconde partie du col est plus pentue,je pense pouvoir le suivre et j’insiste donc à la course jusqu’au pied de ce raidard. Mais voilà, ça me scie les pattes. Jean Marc m’a asphyxié sur ce long plat courru. Nous sommes maintenant 3, nous avons repris le coureur mais je ne suis pas super. A la marche, sur mon terrain, ils s’éloignent. Le second coup de moins bien s’annonce. Je ne le saurais que bien plus tard mais Jean Marc va se perdre au prochain embranchement, comme beaucoup de coureurs. Un terrain de cross que je n’ai même pas vu avait un balisage similaire à celui de la course. Bienvenue à Jardiland. Sans rien savoir, souvenir de 2003 en tête, je file. Le moral est en berne. J’hésite un instant à attendre Stef. Il reste 38 Km (s’il y en a 100 …109 en fait) et finalement, on était bien ensemble. La descente m’ennuie. Je repense à Jean Marc qui m’a posé en descente puis en montée. Il doit être loin. A l’aplomb du pont qui enjambe le Toulourenc que je vais bientôt emprunté, je vois passé un coureur tout de noir vêtu. C’est forcément Jean Marc. Je fais un pointage. Quand j’y arrive, j’ai 5 minutes de retard. J’ai perdu 5 minutes en 20 minutes. Du moins le crois je.

Je suis maintenant sur une longue portion torride de route qui longe le Toulourenc avant de nous mener dans ses gorges. Un coureur revient. Malgré le peu d’entrain, l’envie de pétanque et les idées qui me viennent que c’est bien chiant ce sport et que vous ne me verrez pas fin août, j’avance pas mal. Mes séances avec Antranik au Trail d’Azur et Stéphane en début de course m’ont bien servi. Ces deux zozos étant bien plus rapides que moi dans ces portions roulantes, je me suis efforcé à aller un poil plus vite et surtout à rétrécir mes sections de marche pour ne pas trop les retarder. J’en retire ici les bénéfices. J’arrive à progresser d’un bon pas. Je discute rapido avec ce coureur de relais et il s’en va. Nous ne faisons pas la même course. D’un coup, au loin, tendance très loin, je vois réparti sur 300 m, 4 coureurs. Tient, c’est cool ça. J’ai des objectifs à aller chercher. Je pense à autre chose. Finalement, ça tient à peu le moral d’un coureur d’autant que je ne sais pas s’ils sont relais ou individuels. Et j’alterne toujours scrupuleusement course et marche. Marche en faux plat montant, belle relance. Je vais même me surprendre à jouer de l’alternance « course au soleil », « Marche à l’ombre ». Ben oui, je profite ainsi au max des instants de fraîcheur. Eh, ça cogite mine de rien un coureur …surtout quand ça chauffe !!!

Passage du petit pont. C’est là qu’habite sûrement un sacré crétin. Explication : Le GR, puisqu’on suit un GR, part droit dans la pente, perpendiculairement à la rivière. Ca monte dur, 20, 30 m+ au moins. En haut, c’est une cinquantaine de mètre à flanc de colline et on replonge pour 30 m- pour rejoindre le bord du torrent. En bas, on est à 50 mètres du petit pont et il est fort probable qu’on vienne de faire le tour du terrain d’une mec super fun qui ne voulait pas de GR sur son armas. Allez, on s’amuse.

J’ai retrouvé mon collègue du relais qui s’était paumé. Salut, re-salut et tchao …il s’en va. Instants de fraîcheur en bord de gorges. On entend les baigneurs pas loin. Je rejoins le numéro 1. Cuit, il est au ralenti. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Mon moral remonte. Je rejoins ainsi deux ou trois autres coureurs dans cette montée chaotique. Mes relances sont assassines. Je les sens comme telle. Au sommet, c’est la fournaise sur un long sentier en balcon. J’y re-retrouve mon pote relayeur. Victime de crampes, il squatte les services d’un randonneur. Re-re-salut et cette fois bye bye, je ne le reverrais plus. Longue descente maintenant pour rejoindre la route de Veaux. Je ne regarde plus devant mais derrière. C’est sympa de doubler mais ça ne dure jamais trop et je m’attends, sur ces terrains défavorables à voir revenir les coureurs doublés. Que nenni. J’arrive au ravito.

On m’annonce 7ème. Le 6ème part à l’instant. Je n’en reviens pas. Je n’explique pas ce classement. La chaleur sera une explication, la MotoCross une autre, le balisage en général m’aura plutôt été favorable. Non, je n’ai pas des potes chez « moto verte », non je n’ai pas coupé. Mais c’est vrai que le duo « je connais le coin et je l’ai fait en 2003 », ça m’a sûrement servi.

Je repars. Dans ma tête, Jean Marc est devant, intouchable mais pour le reste ….Yoyo_compétiteur is back. Un kilomètre de route devant moi et le 6ème à 50 mètres. Je suis le chasseur. J’alterne toujours mais lui marche et du coup …je reviens. Quelques mots parce qu’on n’est pas des sauvages mais je compte pas en rester là. Ca monte encore. Je repars en courant. Lui non. Bingo, l’effet psychologique ferra le reste. Il est temps de s’attaquer à une partie difficile du parcours. 4 Km de franchissement de combe des plus sévères. Et le soleil plombe toujours. Dans la première combe, ça revient. Je ne m’affole pas. Mon arme du jour est pour là haut. Bingo, ça marche encore. Je relance et m’éloigne. Nouvelle combe. Le père Noël est devant moi. J’étais le plus heureux 6ème et je vois devant moi le 5ème. Je crois reconnaître le furieux grimpeur du pied de la combe Curnier. Un mot amical alors que je le rejoins en sommet de combe. Histoire de ne pas laisser le doute s’installer, j’enchaîne tout de suite en courant. C’est génial.Je m’éloigne encore. Le plus fou dans cette histoire, c’est le coté très naturel de cette technique. Comme un réflexe, ça repart dès que la pente se calme, sans effort. Petit ravito improvisé au carrefour suivant et je repars sans traîner, histoire d’enfoncer le clou. Je dois, dans ce secteur et jusqu’à l’arrivée d’ailleurs, passer plus de temps à regarder derrière que devant. Pas sur que ce genre de classement se reproduise de ci tôt mais l’option « rétroviseur » devrait exister sur les sacs.

Je rejoins un relais, paumé depuis 30 minutes sans voir de rubalises. Curieux. J’avais observé sur le parcours du jour, sur le site de la course qu’il s’agissait le plus souvent de suivre des morceaux de GR de village en village. Précieux détails, je me suis pas mal appuyer la dessus durant la course dans les longues sections sans balisages. Le GR était bien marqué lui. Le coureur me suit, à l’embranchement douteux on suit le GR et bingo, 5’ plus tard on revoit une rubalise. Il passe (ben wouais, c’est un relais). Je ne connais pas la parcours qui mène à Sainte Marguerite. Je suis encore sur les bases de 14h. Finalement, je suis bien derrière lui. Ca dure bien 15/20 minutes puis je passe. Les jambes fourmillent, je suis bien , je m’éloigne.

Voilà Sainte Marguerite. On m’annonce Malaucéne à 6 Km. « Hein, quoi, je pensais qu’on n’y passait pas ? ». Bon, ben il faudra rajouter une heure. J’appelle Sandra pour l’informer. Je repars seul quand, au pied d’une bosse, je vois revenir sur moi une balle, euh, un coureur. Beau gabarit, jambes effilés,je vais pas faire un pli me dis je. Oui mais, on est au pied d’une bosse. Je le soupçonne d’être revenu au prix d’un bel effort sur le plat précédent (j’avais pris soin de me retourner pour la 8569mé fois), voire d’un zappage de ravito. Il est à 20 mètres. Je me dis « OK, tu reviens, mais va falloir le mériter ». Je garde un bon rythme. Je suis sur mon terrain, la bosse, la confiance est énorme et c’est pas souvent que je me fais poser la dedans …!!!. Je m’applique. Au sommet, devinez quoi ? Et oui …..il recule. Les 20 mètres du pied font beaucoup plus maintenant. Je repense à Steph. On avait discuté de ça dans la montée du Ventoux. Du coup du « je reviens et j’explose ». On m’annonce Malaucéne à 4 Km que de descente. Je commence à allonger. Encore 3 heures de course mais je ne faiblis pas. Finalement, les 4 Km de descente seront coupés par une petite remontée mais j’arrive bien seul à Malaucéne. Je reconnais le coin. C’est le restaurant au pied du Ventoux, dans le virage au pied de l’ascension. Grosse ambiance. On m’annonce 4 ème. Cherchez l’erreur. D’un autre coté, des erreurs comme ça, y a pire. Je repars alors que le coureur rouge arrive. Je lui ai pris 2/3 minutes.

Nouveau passage que je ne connais. On longe l’ascension routière du Ventoux coté nord. Passage sur la route alors qu’un cycliste dévale. Tout va bien. J’alterne encore. D’un coup ….bienvenu dans un champ d’olivier. Et merde. Tout s’écroule. Je me suis planté. Ca devait arriver, à moi aussi. J’enrage. Je jardine 2 minutes et demi-tour. Finalement, le coureur rouge, 5ème arrive. On repart et on se partage les deux cotés du champ. Moi à droite, lui à gauche. Rapidement, je vois le panneau …propriété privée. Ce n’est pas là. Je repars et vois arriver le 6ème. Ca sert à quoi que Yoyo il se décarcasse !!!! Bon, ça sert à rien de tergiverser. Je prends les choses en main. Ce sera en free ride à travers la garrigue pour rejoindre la route. Le 5ème me suit. Le 6ème persiste, on le distance sur la route et il ne reviendra pas. Rapidement, je reconnais la route, l’avantage d’être local. C’est évident que le vrai parcours coupe cette route, qu’il y aura donc des bénévoles à ce point. On trace vers Malaucéne. Bingo, on aura perdu 15/20 minutes, fait un ou deux kilo en plus mais on retrouve les bénévoles. Nous devons maintenant traverser les vignes pour rejoindre le pied du Col de la Chaîne. Le coureur rouge a bien compris l’histoire de tout à l’heure. Je lui ai fait mal en bosse et il m’a repris à plat. Il se venge. Il accélère, je m’accroche. Ce coureur, je ne le saurais que bien plus tard mais je le connais, de nom, Luc Dumont Saint Priest. Transgaulois je crois bien et nous avons un pote commun …BeaujolaisRunner. Je saurais aussi bien plus tard qu’il a fait une heure de moto-cross sans moto au dessus de Brantes. Alors, finalement, le classement ……Donc, il envoie pas mal sur ces plats et il file peu à peu, mais pas trop. J’attends mon heure. Virage à gauche, la pente s’élève. Il marche. Idem pour moi. Je profite d’une pause « mouillage de casquette » pour le rejoindre. C’est cote à cote qu’on franchit cette partie goudronnée. Puis vient le chemin. Et là, c’est plus de la route, c’est irrégulier et donc ….devinez quoi …je relance et bingo …je m’éloigne, seul. Bon, autant vous dire que dans ces moments là, tout va bien, j’ai mal nulle part et je manque pas une occase d’en rajouter ; Bref, « j’arsouille ». J’arrive au col de la Chaîne.

Belle ambiance féminine. Il reste 14 Km, 5 de montée, 9 de descente. Je refais encore et toujours mon plein en eau. J’étais un peu limite, partie de jardinage aidant. Je repars. J’ai encore mal au cou en écrivant ces lignes. Combien de fois je me suis retourné sur ce final. En fait, je suis ce qu’on peut appelé un coureur expérimenté mais pas sur le devant de la course. Là, je suis fier de ce classement même si sa signification n’est pas des plus importantes. Je suis fier d’être dans les premiers sur ces chemins mais fébriles. Comment gérer quand on ne sait rien. Je gère pas, juste, je me retourne.. Dans ce final, mes oreilles aussi ont chauffé. Dans la montée au relais, en lacet, j’entendais des bâtons partout. Ils reviennent ….Yoyo, t’entend des voies. Enfin, je passe sans peine ce dernier col. Il est 18h passé et le soleil a fait son œuvre.

Descente technique, quelques crampes me guettent. Des crampes là où y a pas de muscle !!! Des crampes sur les os ???? Bizarre. Je m’asperge les gibolles. J’ai du le faire des dizaines de fois, souvent après le ravito avec de l’eau bien fraîche, avec de l’eau gazeuse même. Le froid me fait du bien. Je rejoins la piste. Un forestier m’escorte en quad. Il veut que j’accélère. Il est sympa le gars !!!! J’arrive au plus chouette ravito de la course (comme en 2003). C’est le dernier, histoire de vous inciter à venir jusqu’ici quand vous ferez cette course. C’est ravito grand luxe, avec télé pour le match de l’OM du soir qui s’annonce. Pour l’ambiance, c’est comme l’OM, corne de brume. Les fumigènes sont pour cette nuit. On m’annonce 9 Km de larges pistes et de routes et deux petites remontées. Je repars.

Je mettrais 46 minutes pour finir. Je repense tout de suite au format « vrai coureur élancé » de Luc, le coureur rouge, de son retour sur le plat, de son accélération avant le col de la Chaîne. Et s’il finissait à 15 km/h ? il en a le profil. Je décide de finir fort. Je me lance à 12/13/14 à l’heure en respectant toujours la marche en montée. Je tiens le bon bout. Je suis fort, plus trop de pause. Ca passe super vite et le Col de Cayron est devant moi. L’espoir de finir en moins de 15 h s’envole. Après encore quelques minutes au taquet, je relâche. Mes jambes s’en rappellent encore. Je repense aussi à l’édition 2003, le petit malaise et je me dis que ce serait bête de gâcher l’arrivée. Dernier coup de « on passait par là en 2003 » faute de balisage et j’arrive enfin. Steph est là, sûrement le gars qui a abandonné le plus heureux du jour. Je suis serein, pas détruit, 15h06, 109 km et 4680 m+ plus tard. Luc ferra finalement 6ème à 10 minutes. J’ai bien fait de finir fort. Les 2ème et 3ème sont ensemble devant à 25 minutes et le vainqueur deux heures devant eux, intouchable.

Epilogue : au-delà du classement pas trop significatif, je suis super content de l’allure, de la régularité qui donne 58 Km en 8h et encore 51 km en 7h. Je suis content de la manière, l’utilisation optimale du grand secret. C’était du solide, bonne gestion, sans vrai sensation de grande forme (c’est peut être ça le plus génial). Le final à 12 à l’heure me laisse croire qu’il en restait encore alors, le prochain coup, je tenterais de le répartir un peu plus tôt, tout le long du parcours pour aller plus vite avant. Peut être à l’Ultra Trail du Verdon. Le lendemain, ce sera le temps de ma première « remise de récompense » en tant que coureur et d’un chouette resto sur la place du village pour boucler la boucle avec Stephane, l’autre coureur de cette course d’équipe.

Publié dans Récits d'Ultras

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S
Sympa le blog ... Avec plein de belles photos ... Bonne continuation ...
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F
Superbe CR, j'ai revecu cette course grace à toi et je me suis reconnu car c'est moi que tu as passé à ce moment là :" ….Yoyo_compétiteur is back. Un kilomètre de route devant moi et le 6ème à 50 mètres. Je suis le chasseur. J’alterne toujours mais lui marche et du coup …je reviens. Quelques mots parce qu’on n’est pas des sauvages mais je compte pas en rester là. Ca monte encore. Je repars en courant. Lui non. Bingo, l’effet psychologique ferra le reste. Il est temps de s’attaquer à une partie difficile du parcours." Je finirais 5ème et serais à coté de toi à la table de massage.<br /> Effectivement, belle perf et ne sois pas modeste sur ton classement car tu le mérites.<br /> A bientôt sur d'autres courses j'espère avec plaisir.<br /> Fred de Nanterre. 
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C
Ah je l'ai enfin lu...et je me suis régalé.<br /> Merci.
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W
Super ton CR; mais surtout encore une fois , félicitations pour ta course pleine de sagesse, d'humilité mais aussi d'esprit de compétiteur; on apprend rien qu'à te lire!!!Et l'envie folle d'y aller en 2008; bonne continuation et à + fin août<br /> Steph 28
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